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(Dansons Magazine n°20 de juillet 1995)

Michelle Nadal interviewée par C. Dubar

Pour un nouvel enseignement de la danse

CD Michèle Nadal, vous avez été danseuse et soliste dans de très grandes compagnies internationales, puis professeur au Conservatoire National, à la Sorbonne, à l’École des Arts et Techniques du théâtre. Vous êtes chorégraphe, Chevalier des Arts et Lettres, mais votre notoriété ne vient pas du domaine de la danse de couple. Il peut donc paraître un peu surprenant que nous vous ayons choisie pour participer au jury d’examen de l’Institut de Formation en danses de société. Pouvez-vous m’aider à expliquer ce choix ?

MN J’ai d’ailleurs hésité avant d’accepter, mais connaissant aujourd’hui un peu mieux votre enseignement, vos objectifs et surtout votre recherche de ce que vous appelez les fondamentaux * (voir ma réponse à ce sujet dans le numéro XX), je comprends mieux que mon point de vue de généraliste vous intéresse.

CD Vous avez effectivement un point de vue sur la formation en danse qui me paraît essentiel pour la danse de couple et de société. Pouvez-vous nous préciser vos idées sur ce point ?

MN Il faut peut-être d’abord constater qu’en danse, le plus souvent, au lieu d’apprendre progressivement à l’élève à s’y reconnaître dans tous les éléments de la coordination, on se lance tout de suite dans un apprentissage par imitation de synthèses toutes faites : les « pas » sacro-saints. Or, le moindre pas est un amalgame d’appuis, de directions, de rythmes, etc. qu’on ne saurait donner en vrac. Il est possible de procéder autrement.

CD Voulez-vous dire qu’une formation de base doit d’abord toucher un peu à tout ?

MN Certainement pas, mais, si on veut faire de l’éducation et non du dressage, il faut faire progresser de front tous les éléments constitutifs du mouvement sans les dissocier de l’action générale, du comportement et de l’expression individuelle. Une technique générale devrait donner des connaissances de base telles qu’elles vous permettent l’adaptation très rapide à telle ou telle spécialisation, tel ou tel genre de danse.

CD C’est effectivement cette conception de l’éducation qui nous attire. Comment s’est-elle forgée en vous ? Un aperçu de votre carrière nous permettrait peut-être de comprendre votre parcours pédagogique ?

MN Je doute que ma carrière, pour variée et amusante qu’elle fût, intéresse véritablement vos lecteurs. Si ce n’est dans la mesure où, effectivement, sa variété fut la résultante d’une formation généraliste. J’ai eu la chance, à seize ans, de rencontrer l’inventeur du système français d’écriture du mouvement, Pierre Conté. Cette écriture est le résultat d’une analyse du geste comme nul ne l’avait faite avant lui. Être formée à cette analyse, à cette écriture et à l’expression, m’a permis une carrière trop variée, certes, mais passionnante.

La base classique

CD Vous avez donc été d’abord danseuse.

MN Évidement. A seize ans, on a rarement envie d’enseigner. On veut s’extérioriser, s’affirmer, briller, être le meilleur en quelque chose * Ce qui est évidemment un moteur d’action et un facteur de progrès, mais que je considère aujourd’hui comme un très gros défaut et une faiblesse majeure. Vouloir être le meilleur est idiot, il faut vouloir s’exprimer et ne pas accepter que quiconque s’y oppose, c’est tout.

J’ai eu aussi la chance de rencontrer Léonide Massine, chorégraphe de Diaghilev, et qu’il me confie quatre rôles principaux sur cinq ballets qu’il montait pour une comédie musicale au Théâtre de Paris. J’entrai ensuite dans les Ballets Jooss * où, durant deux saisons successives, j’ai dansé presque tous les grands rôles de son répertoire, un peu dans toute l’Europe, depuis La Monnaie de Bruxelles jusqu’au Sadler’s Wells de Londres. Puis j’ai travaillé en Italie avec Aurelio Milloss et avec de nombreux autres chorégraphes vraiment intéressants. J’avais la chance de comprendre assez vite, non seulement leur technique parfois spécifique (celle de Jooss par exemple), mais leur pensée, ce qui fait que tous ont composé spécialement pour moi alors que j’avais un handicap sérieux : le manque d’endurance dont ils avaient la gentillesse de tenir compte (à l’époque, je ne connaissais pas le travail d’entraînement cardiaque que tout le monde connaît aujourd’hui).

Le music-hall

CD Et le music-hall ?

MN J’en ai fait avec Robert Dhéry et Francis Blanche, auteurs des Branquignols dans lesquels il fallait jouer, danser, chanter, faire rire… Extraordinaire expérience ! J’ai également plusieurs fois interprété le personnage de Loïe Fuller à la télévision française, ce qui m’a amenée à m’intéresser à cette spectaculaire danseuse. Même chose pour le french-cancan. Mais, autant j’ai aimé le danser pour le merveilleux Jean Renoir, autant j’aurais détesté l’exécuter tous les soirs dans un quelconque music-hall ou cabaret. Néanmoins, ma participation à ce film est sans doute à l’origine de mon goût pour la danse montmartroise du XIXème siècle.

CD Nous reparlerons tout à l’heure de cet aspect de votre activité, mais finissons d’abord avec la scène.

MN Si j’ai beaucoup dansé (même pour Béjard, au début des Ballets de l’Étoile), j’ai aussi joué. Jean Vilar, par exemple, m’a confié le rôle principal de La Bonne Âme de Se tchouan de B. Brecht au petit TNP. Grande expérience également. Et puis, beaucoup de télévisions avec Stellio Laurenzi, Barma, Cardinal, Badel… De belles choses souvent.

CD Vous avez aussi réalisé de nombreuses chorégraphies.

MN Il y a eu une période très riche de mon existence : celle où j’ai réalisé certaines des chorégraphies magnifiques de Pierre Conté : Valses nobles et sentimentales et Pavane pour une infante défunte de Ravel, Calendal de Mistral (Festival lyrique provençal de Jean Deschamps), Les Danses de « la Punaise » de Maïakowsky (Théâtre de l’atelier, André Barsacq), Le Bourgeois gentilhomme dans le Cirque de Jean Dasté, et aussi des Labiche, des Molière, des Musset ; parfois, comme dans Aristophane, je jouais le rôle d’un coryphée dansant, chantant, jouant et réalisant la partie (chœur de danse). Et puis j’ai aussi fait de nombreuses chorégraphies moi-même, et réalisé des bals de style d’une certaine envergure.

CD Nous n’avons pas encore parlé de l’enseignement.

MN Si j’ai toujours aimé étudier et enseigner, c’est quand même une série d’accidents graves à la jambe gauche qui m’obligèrent à remettre en question, vers quarante-cinq ans, l’orientation de ma vie. J’ai repassé des examens, un concours d’état pour les conservatoires, repris des études, en remettant en question les connaissances qui m’avaient été données lors de ma formation, et, en mai 1968, j’eus la chance que mon projet de formation « danse » pour les comédiens obtienne la majorité des voix d’une commission ministérielle pour la création d’un poste de professeur au Conservatoire Supérieur d’Art Dramatique. J’y suis restée de 1969 à 1994.

Parallèlement, j’ai enseigné l’analyse du mouvement et l’écriture française à la Sorbonne. Je me suis aussi intéressée à la danse de bal, celle du XIXème siècle et celle du début du siècle en particulier.

Une fille de spectacle

CD Vous passez effectivement pour une spécialiste de ces époques et pour un chercheur important.

MN Ni l’un ni l’autre, cher Christian. Je ne suis spécialiste de rien, sauf peut-être d’écriture Conté. Et en tout cas, je ne suis pas ce qu’on appelle un « chercheur ». J’ai des amis chercheurs, je note leur travail, je l’utilise souvent, je sais beaucoup de choses, mais je n’ai absolument pas les qualités profondes qui définissent le vrai chercheur. Je reste une fille de spectacle et d’enseignement. Néanmoins, je possède cet inestimable outil qu’est une écriture simple, rapide et musicale, ce qui est malgré tout un atout énorme dans le domaine de la connaissance. Disons en tout cas que c’est ce qui caractérise mon travail. C’est aussi ma liberté. Et j’y tiens.

CD Et puis vous avez aussi mis un pied dans l’univers qui nous concerne ici, celui de la danse de couple.

MN Je vais même chaque semaine au cours de Denis Grisard que j’aime beaucoup. De plus, avec ma jambe blessée, c’est le seul plaisir que je puisse encore m’offrir, du fait que, n’étant pas seule en mouvement, je peux encore me lancer dans une valse ou une samba en sachant qu’éventuellement, je peux me raccrocher aux branches. Cher Christian, encore une fonction de la danse de couple sur laquelle vous ne vous êtes peut-être pas encore penché : la décrépitude de l’un des deux partenaires. A part cela, qui est réel, il faut quand même que je sache exécuter un tour de samba à gauche ou un reverse fallaway de valse lente si je veux avoir une certaine crédibilité dans un jury. Mais, je laisse les autres membres se prononcer sur l’orthodoxie de l’exécution. Et je me contente de références généralistes. Nous en revenons à votre question de départ.

CD Quels sont les conseils que vous aimeriez donner à nos candidats ?

MN Faites de la musique sous une forme ou sous une autre : chorale, méthodes actives, pratiques instrumentales… Pratiquez aussi les formes traditionnelles anciennes ou régionales. Ne tombez pas dans le maniérisme de la danse à la mode, réunissez-vous pour danser mais éliminez cet esprit de concurrence qui ne peut que nuire à vous-mêmes et aux autres.

Dansons Magazine N°20 de juillet 1995

Loïe Fuller, Pierre et Marie Curie

A l’occasion de l’entrée de Pierre et Marie Curie au Panthéon

Figure de proue de l’Art Nouveau, du Music-hall et de la danse du début de ce siècle, Loïe Fuller fut baptisée par ses contemporains : « Fée électricité ».

Elle fut effectivement la première à « sculpter la lumière », comme elle le disait elle-même. Arrivée en France en 1992, cette Américaine fut la première à utiliser des verres de couleur devant la lumière électrique, afin d’obtenir, sur les voiles blancs qu’elle agitait au moyen de baguettes, des effets féeriques suggérant la course des nuages, l’éclosion des fleurs, le vol des oiseaux ou le scintillement de la flamme qui s’élève…

Femme intelligente, fascinée par les nouveautés de son temps, ayant appris un jour que le radium, nouvellement découvert par Pierre et Marie Curie, était luminescent dans la nuit, elle prit sa plus belle plume pour demander à Pierre Curie s’il serait possible d’en appliquer sur ses voiles, afin d’éviter les encombrements et les tracas d’installation de projecteur. Très gentiment, Pierre Curie lui répondit que le radium avait d’autres propriétés, plus importantes et que, si elle ne voulait pas être brûlée vive, mieux valait encore s’en tenir à l’électricité.

Elle offrit alors au célèbre couple deux places pour venir la voir aux Folies Bergères. Ils répondirent à nouveau qu’ils travaillaient beaucoup et sortaient très peu. Loïe Fuller décida alors que « puisqu’ils ne pouvaient venir à l’Art, ce serait l’Art qui viendrait à eux », et elle débarqua un jour dans leur appartement du boulevard Kellerman où elle donna une soirée privée devant un aréopage de sommités scientifiques de l’époque accompagnées de leurs épouses.

J’ai eu deux fois l’occasion d’interpréter le rôle de Loïe Fuller à la télévision, dans les années soixante et soixante-dix. La première, précisément, dans une « dramatique » sur Pierre et Marie Curie, réalisée par Pierre Badel ; la seconde pour Serge Moati dans une séquence du Pain Noir consacré à l’Exposition Universelle de 1900, où le chorégraphe Pierre Conté avait composé une allégorie patriotique sur Patrie de Georges Bizet.

Loïe Fuller suscita de nombreuses imitations, tant sur les tréteaux des foires que sur les scènes de music-hall, où ses imitations n’hésitaient pas à usurper son nom. Femme généreuse, elle fit la promotion d’autres artistes dont Isadora Duncan, qu’elle présenta dans les salons de Vienne, à l’aube de sa carrière. Elle inspira de nombreux artistes de son temps : Rodin, Gustave Moreau, Lautrec… Son influence s’est exercée surtout dans le domaine des Arts Plastiques plus que dans celui de la danse, où la novatrice fut, sans conteste, Isadora Duncan.

Michelle Nadal

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